Pédagogie et tradition

22/07/2022

Travail sur Eulgoul Maki.

De nos jours, les formations diplômantes permettant de devenir enseignant prônent le ludisme et la pédagogie avant tout. Lors de ces formations, on ne risque pas d'entendre "faîtes travailler les techniques de base, en ligne, pendant 1h". Bien au contraire, on vous conseillera de faire des ateliers, de travailler avec du matériel, des chronos, des plots, des cerceaux.

Et si cette recherche de ludisme absolue était un piège ?

Attention, le travail ludique n'est absolument pas à jeter. Quand il est fait intelligemment, c'est un moyen formidable de faire comprendre des principes d'envoi de force, de trajectoire, et j'en passe. D'autant plus que selon notre public, on ne peut pas avoir la même approche.

Mais poussé à l'extrême, il peut devenir contre productif en terme martial. Le risque de faire perdre du sens à la pratique existe, notamment si l'accent est mis sur du travail sous forme de jeu essentiellement. Et si il n'y a plus de contact, plus de véritable mise en situation, on ne pratique pas un art martial, comme le dit Lionel Froidure dans cet article :

Il n'y a rien de grave à cela, mais il faut être honnête avec soi-même et être conscient de ce que l'on fait.

Dans mon approche du Taekwondo, j'estime que toutes les facettes se nourrissent et que certaines formes de pratiques sont des exercices pédagogiques permettant d'en comprendre d'autres.

Concrètement : dans le travail codifié à 2, Hanbon Kyorougi (1 pas combat) ou Hoshinsul (self-défense), j'apprends par exemple à m'adapter à la distance, les avantages et les inconvénients de rester dans l'axe, ou de passer dans le dos, ce qui m'aidera en combat. Cela me permet également d'appliquer et de comprendre les techniques apprises dans les Poomsae. Quand je travaille mon Poomsae, je perfectionne donc par la même occasion les techniques utilisées en Hanbon Kyorougi et Hoshinsul, et la répétition des mouvements me permettra de faire naturellement les techniques, sans avoir à réfléchir, comme un boxeur fera du shadow boxing.

En seconde partie de vidéo, Nuno Damaso aborde l'idée dont parle cet article.

Ce cercle vertueux n'est pas le fruit d'une longue réflexion de ma part, si toutes ces facettes existent, c'est bien pour se compléter et permettre aux pratiquants d'avoir une approche la plus totale possible.

Alors plutôt que de séparer ces ateliers en créant des exercices spécifiques à l'apprentissage et à l'amélioration de ces derniers, je pense qu'il serait intéressant de les comprendre en premier lieu, puis d'utiliser les uns pour améliorer les autres.

Quand on travaille dans ce sens, on comprend vite que la pédagogie est toute faîte si on ne cloisonne pas la pratique en mettant d'un côté le combat, et de l'autre le Poomsae.

Il est dommage de voir un technicien très mauvais en combat, et un combattant très mauvais en technique.

Bien sûr, ce travail demande une bonne connaissance technique et n'est réalisable qu'après avoir bien travaillé et compris les différents ateliers. Pour citer Lionel Froidure encore une fois : "Il y a le savoir, et le savoir-faire".

Il arrive que l'on passe un cours entier sur la compréhension d'un mouvement chez Taekwondo Strasbourg.

Mon article n'a pas comme but de dénigrer le travail ludique, qui demande de véritables compétences de pédagogue pour être appliqué intelligemment. En un sens, les fédérations ont raison d'orienter leur formation sur cet aspect, car tous les stagiaires n'auraient pas l'ouverture d'esprit nécessaire à la compréhension du travail dont je parle. Ils doivent se concentrer sur du "tout-public", des notions applicables malgré l'approche, les objectifs et le niveau de compréhension de chacun.

Le travail dont je parle se fait sur le long terme, au Dojang, non auprès d'une instance fédérale.

Si ces notions sont comprises et appliquées, les bienfaits se verront rapidement. Les élèves auront une bonne compréhension globale de la discipline, et une belle ouverture d'esprit.

Les gens ne sont pas tous à la recherche d'un simple défouloir, si nous arrivons à donner du sens à la pratique (faire comprendre le travail traditionnel, appliquer les codes, porter le dobok, donner une atmosphère martiale au Dojang, ...), la discipline convaincra par elle-même, sans besoin de la travestir pour attirer un public nouveau.